Soins psychiatriques sans consentement : comment agir en tant que maire ?

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En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, un maire peut prononcer l’admission provisoire en établissement de santé mentale de personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes sur sa commune. Quelles sont les mesures adaptées, la procédure à respecter et comment l’ARS peut vous accompagner si vous êtes confronté à cette situation ? Dossier.

Le maire dispose d’une compétence de police administrative en matière de soins psychiatriques sans consentement.

En effet, selon l’article L. 3213-2 du code de la santé publique : « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures ».

En pratique, ces « mesures provisoires » consistent généralement, pour le maire, à édicter un arrêté prononçant l’admission de l’intéressé auteur de troubles commis sur le territoire de sa commune dans un établissement de santé assurant des soins psychiatriques sans consentement (ou, à défaut, dans un service d’urgences), dans l’attente d’une décision du préfet qui viendra, dans les 48 heures, confirmer la décision du maire le cas échéant, au vu d’un second certificat médical. C’est le préfet qui dispose de la compétence de principe pour prononcer des soins non-consentis. Mais le maire, acteur de terrain, est souvent plus à même de prendre rapidement les mesures adaptées lorsque l’on est en présence d’un danger imminent pour la sûreté des personnes.

Concrètement, 4 conditions doivent être réunies pour procéder à une admission en soins sans consentement sur décision du représentant de l’Etat :

  • La présence de troubles mentaux ;
  • L’impossibilité pour le patient de consentir aux soins
  • La nécessité de soins immédiats et d’une surveillance médicale constante ou régulière
  • L’atteinte ou le risque d’atteinte à la sûreté des personnes et/ou de trouble grave à l’ordre public.

Les soins psychiatriques sans consentement constituent l’exception et sont strictement encadrés par la loi car ils portent atteinte aux libertés individuelles. Le juge des libertés en fait un contrôle systématique.

 

 

Mémo : les 5 incontournables d’une procédure parfaite

  • C’est le maire de la commune dans laquelle se sont déroulés les faits qui édicte l’arrêté (et pas nécessairement de la commune de résidence de la personne). Dans le cas contraire, la légalité de la procédure est compromise.
  • Le critère de notoriété publique n’existe plus, le certificat ou l’avis médical s’impose. Auparavant, les conditions permettant au maire de prononcer l’admission sans consentement pouvaient être attestées par la « notoriété publique » en lieu et place d’un avis médical. Depuis 2011, la décision du maire doit impérativement être fondée sur un certificat médical ou, à défaut, un avis rendu par un médecin.
  • Le certificat ne peut émaner d’un psychiatre de l’établissement d’accueil de la personne. Un psychiatre d’un autre établissement peut être mobilisé, de même qu’un médecin d’une autre spécialité, qu’il exerce hors ou dans l’établissement d’accueil.
  • L’arrêté doit être motivé. Il doit viser les textes du code de santé publique donnant au maire la compétence (article L-3212-2), viser le certificat ou l’avis médical sur lequel il se fonde (et non le rapport d’expertise de garde à vue) et décrire les circonstances – faits et troubles – qui justifient la mesure. Ces circonstances doivent caractériser un danger imminent.
  • Joindre tout document utile à l’envoi de l’arrêté (PV de police ou de gendarmerie, réquisition, etc.)

L’ARS agit par délégation du préfet dans le cadre de protocoles signés dans chaque département. A ce titre, elle est destinataire des documents et gère les dossiers administratifs de soins psychiatriques sans consentement pour l’ensemble de la région.

Dans ce cadre, les équipes du service soins sans consentement de l’ARS Hauts-de-France sont des interlocuteurs quotidiens des maires. Elles peuvent leur fournir des conseils juridiques ou pratiques, un accompagnement sur le volet procédural et juridique, par exemple sur la rédaction des arrêtés « les élus ne doivent pas hésiter à nous solliciter, y compris en amont, pour demander des conseils ou un appui. Nous sommes à leur écoute pour que la procédure se déroule bien ».

Les équipes ARS peuvent également contribuer à l’orientation des élus vers les partenaires adaptés, en particulier du secteur social. Enfin, les équipes de l’Agence peuvent participer à des réunions d’information des élus « nous n’aborderons jamais de situations individuelles mais nous pouvons tout à fait proposer des réunions d’information collective d’élus pour les familiariser avec la procédure d’admission en soins psychiatriques sans consentement ».

Pour tout renseignement, vous pouvez contacter le service soins sans consentement de l’ARS Hauts-de-France :

Le médecin et le certificat médical

Quelle est la différence entre un certificat médical et un avis médical ?

Si les arrêtés préfectoraux doivent être fondés sur un certificat médical, l’article L. 3213-2 du code de la santé publique prévoit que les décisions du maire peuvent être prononcées au vu d’un simple « avis médical ». Cette distinction permet au maire d’agir dans les situations dans lesquelles l’urgence l’impose, alors que le médecin requis n’aura pas été en mesure d’examiner la personne souffrant des troubles mentaux. Il s’agira par exemple des cas dans lesquels l’individu se sera retranché dans un lieu inaccessible. Un médecin transporté sur place, qui n’aura pas pu examiner la personne, pourrait tout de même constater que cette dernière manifeste des troubles mentaux constituant un « danger imminent pour la sûreté des personnes ». Il pourra également s’agir de cas dans lesquels le médecin aura vu la personne et constaté ses troubles, sans avoir pu l’examiner, en raison de l’agitation de cette dernière. Les conditions n’étant pas réunies pour qu’il puisse rédiger un certificat en bonne et due forme, le médecin pourra tout de même transmettre au maire un avis attestant que la personne remplit les conditions susvisées.

Nota bene :  Lorsque l’arrêté municipal est pris sur la base d’un avis, un nouveau certificat doit être fait dès l’entrée du patient dans l’établissement (qui ne peut être rédigé par un psychiatre de cet établissement). Il servira à fonder l’arrêté préfectoral à suivre en cas de confirmation de la mesure provisoire municipale.

Quelles sont les exigences concernant la rédaction du certificat ou de l’avis médical ?

Les certificats et avis médicaux fondant l’arrêté du maire doivent être datés et signés. Ils doivent être précis, motivés et dactylographiés. Le certificat ou l’avis médical doit attester l’existence de troubles mentaux manifestes constituant un danger imminent pour la sûreté des personnes. Ces éléments doivent être le plus circonstanciés possible, afin que soit démontrée la nécessité de prononcer une mesure contrainte. A cette fin, ce document doit : - comporter la description de l’état mental du malade et son comportement : agitation, violence, délire, idées de suicide… - insister sur les éléments cliniques démontrant la nécessité des soins et la dangerosité pour autrui (notamment ses proches), en rappelant l’urgence que soient prodigués des soins appropriés. - permettre l’identification du médecin (cachet, n° d’inscription au répertoire « RPPS »,…)


La prise en charge en pratique

Comment se déroule la prise en charge concrètement ?

 Réalisée dans l’intérêt du patient, la prise en charge peut toutefois nécessiter d’être effectuée sous la contrainte, s’agissant notamment de son transport à l’établissement de santé dans lequel il sera admis. Il conviendra à cet égard, pour l’ensemble des intervenants, de faire preuve de tact et mesure. Cette prise en charge incombe au personnel de l’établissement de santé qui accueillera le patient ou aux services médicaux d’urgence sollicités à cette fin. Selon le contexte en présence, une intervention des forces de l’ordre pourra parfois aussi s’avérer nécessaire. La qualité de cette prise en charge dépendra largement de la collaboration locale qui sera établie avec l’ensemble de ces intervenants. A cet égard, une organisation planifiée en amont ne peut qu’être encouragée.

Peut-on pénétrer au domicile de la personne contre son gré pour qu’elle soit prise en charge (en fracturant la porte d’entrée…) ?

Si les arrêtés prescrivant l’admission en soins psychiatriques sans consentement peuvent être exécutés sous la contrainte, cela n’implique pas que les autorités administratives ou les personnes chargées d’appliquer leurs décisions puissent pénétrer au domicile de l’intéressé contre son gré. En l’absence d’autorisation donnée par un juge, cela constituerait une violation de domicile. Il ne pourra être dérogé à cette règle qu’en cas de péril grave et imminent, qui serait par exemple encouru par d’autres personnes qui se trouveraient dans le domicile de l’intéressé, ou par la personne elle-même.


La coexistence des polices du maire

Quid de la police générale du maire ?

L’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales prévoit également une compétence du maire en matière de troubles mentaux. Il dispose en effet que la police municipale comprend notamment « le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ». Cette compétence de police générale appréhende un cadre plus large que les situations imposant la prise en charge en soins psychiatriques sans consentement. Elle permet en effet au maire de prendre les mesures adaptées face aux diverses situations prévues. Il n’en demeure pas moins qu’une prise en charge sans consentement, privative de liberté, ne pourra être ordonnée que lorsque les conditions prévues par l’article L. 3213-2 du code de la santé publique seront remplies. De même, dès lors que l’on sera en présence de ces conditions (danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, dû à une personne dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes), c’est la procédure prévue par l’article L. 3213-2 du code de la santé publique qui devra être visée et mise en œuvre.

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