Pourquoi et comment monter un conseil local de santé mentale ?

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Le Conseil local de santé mentale (CLSM) contribue à améliorer la santé mentale des habitants d’un territoire. Comment le monter, l’animer et comment fonctionne-t-il ? Quels sont les accompagnements, financier et technique, activables pour le développer ? Quels sont les ingrédients clés de sa réussite, et les bénéfices que votre population peut en retirer ?

Le Conseil local de santé mentale (CLSM) contribue à améliorer la santé mentale des habitants d’un territoire. Comment le monter, l’animer et comment fonctionne-t-il ? Quels sont les accompagnements, financier et technique, activables pour le développer ? Quels sont les ingrédients clés de sa réussite, et les bénéfices que votre population peut en retirer ? Eléments de réponse dans ce dossier qui comprend : 

  • Le regard expert de Fanny Pastant, coordinatrice nationale et chargée de mission pour les CLSM au centre collaborateur de l’OMS de Lille, sur les conditions de succès d’un CLSM et les ressources mobilisables pour le développer
  • Le retour d’expérience d’une collectivité via Marie-Christine Staniec-Wavrant et Saïda Sadki, respectivement adjointe au maire de Lille en charge de la santé et du vieillissement et coordinatrice de CLSM, sur le Conseil de santé mentale lillois 
  • Le point par le Dr Marielle Wathelet, chef de projet régional santé mentale à l’ARS Hauts-de-France, sur le soutien financier et l’accompagnement proposé par l’ARS dans la mise en œuvre des CLSM

Fanny Pastant, coordinatrice nationale et chargée de mission pour les CLSM
Fanny Pastant, coordinatrice nationale et chargée de mission pour les CLSM

« Le CLSM permet à l’élu de connaitre toutes les ressources de son territoire pour agir sur la santé mentale »

Fanny Pastant, coordinatrice nationale et chargée de mission pour les CLSM au centre collaborateur de l’OMS de Lille, revient pour nous sur le fonctionnement d’un CLSM, ses conditions de réussite et bénéfices, ainsi que sur les ressources que les collectivités peuvent mobiliser pour le développer.

Qu’est-ce qu’un CLSM ?

Fanny Pastant : Le CLSM n’est ni une structure, ni un lieu physique, c’est une démarche locale, un espace d’échanges qui mobilise de nombreux acteurs autour d’un objectif commun : améliorer la santé mentale de la population d’un territoire. Cet outil de concertation et de coordination autour de la santé mentale est présidé par un élu local et co-animé par la psychiatrie publique.

Le CLSM peut sur cette base rassembler une myriade d’acteurs pour réfléchir aux besoins d’un territoire, identifier des dysfonctionnements éventuels et construire des réponses collectives : personnes concernées, aidants, professionnels de santé de ville et de l’hôpital, acteurs du médico-social, de l’éducation, du logement, de la justice, de la police, de la culture, du sport…

Il ne s’agit pas de répondre à tous les défis de santé mentale, mais de se concentrer sur les enjeux de santé mentale identifiés comme prioritaires à l’échelle locale. Ceux-ci peuvent être variés : santé mentale et logement, les commissions pour les personnes en situation difficile, la santé mentale des adolescents ou des enfants, santé mentale et précarité, prévention du suicide, addictions, parentalité, semaines d’information en santé mentale…

Quelles sont les conditions de réussite d’un CLSM ?

Fanny Pastant : Le prérequis à un CLSM est la volonté partagée de l’élu et des professionnels, l’engagement institutionnel entre d’une part la collectivité et d’autre part la psychiatrie. Ensuite, on peut citer, sans exhaustivité, trois autres ingrédients de réussite :

  • Dédier des ressources humaines, en embauchant a minima un coordonnateur qui accompagnera la mise en œuvre des actions et fera le lien entre les partenaires. L’ARS Hauts-de-France est l’une des agences les plus soutenantes sur ce point et co-finance les postes de coordonateur.
  • Cultiver le collectif et l’interconnaissance entre les partenaires, par des visites, des temps d’échange. 
  • Parallèlement, il faut s’assurer que le CLSM s’articule bien avec les autres dispositifs pour qu’il réponde à des besoins qui ne sont pas adressés par d’autres structures. 

Si on raisonne étape par étape : 

  • Une collectivité effectue une convention avec la psychiatrie de secteur et recrute un coordonnateur, dont le poste est cofinancé par l’ARS 
  • Un diagnostic, à la fois quantitatif et qualitatif, est mené pour identifier les problématiques et besoins en santé mentale du territoire 
  • Une assemblée plénière peut être convoquée pour présenter ce diagnostic le plus largement possible aux acteurs du territoire, le compléter et faire adhérer un maximum d’acteurs à la démarche
  • Un comité de pilotage élabore la stratégie, la feuille de route et les groupes de travail en cohérence avec les besoins et axes prioritaires identifiés.

Un référent régional et un guide pratique pour vous accompagner

Le CCOMS de Lille a recruté, avec le soutien financier de l’ARS, un référent régional pour les CLSM des Hauts-de-France : damien.aptel@ghtpsy-npdc.fr. Il est disponible pour accompagner les collectivités aux différentes étapes de montage d’un CLSM, et par la suite pour soutenir un fonctionnement optimal du CLSM, en se tenant à disposition des coordonnateurs et des élus.

Par ailleurs, le guide pratique partenarial « La santé mentale dans la cité » donne une série de repères et d’exemples aux collectivités désireuses de s’engager dans un CLSM : fonctionnement, articulation avec les partenaires et les autres dispositifs, facteurs de réussite et points de vigilance, financements, etc. Il est téléchargeable ici.

 

Quels sont les bénéfices d’un CLSM ?

Fanny Pastant : A l’heure où les collectivités sont confrontées à des déserts médicaux et aux limites de l’offre de soins, le CLSM est un espace qui permet d’identifier d’autres formes d’organisation et de limiter le besoin de soins en s’attaquant à des causes sociales et structurelles sur lesquelles les acteurs du territoire peuvent mutualiser leurs leviers d’action. Le CLSM permet également à l’élu de connaitre toutes les ressources de son territoire pour agir sur la santé mentale, et d’avoir recours à la bonne personne au bon moment. 

Marie-Christine Staniec-Wavrant et Saïda Sadki
Marie-Christine Staniec-Wavrant et Saïda Sadki - credit : Daniel Rapaich, Dicom, ville de Lille

 

" Le CLSM est un espace de concertation, au sein duquel chacun peut exposer ses difficultés et collaborer à l’élaboration de solutions. C'est un rempart contre l'isolement professionnel "

Le Conseil lillois de santé mentale (CLSM), l'un des premiers de la région, est actif depuis quatorze ans. Marie-Christine Staniec-Wavrant, adjointe au maire de Lille chargée de la santé et du vieillissement, et Saïda Sadki, coordinatrice du CLSM, évoquent la création, l'évolution et la contribution du CLSM lillois en tant qu'outil de promotion de la santé mentale dans la ville.

Comment est né le Conseil lillois de santé mentale ?

Marie-Christine Staniec-Wavrant : « Le CLSM a vu le jour au début des années 2010, en réponse à un besoin partagé. La ville de Lille a constaté, à travers les retours des services du CCAS, des difficultés d'accompagnement dépassant le cadre du travail social traditionnel. 

À cette époque, j'étais présidente du conseil scientifique de l'EPSM Agglomération Lilloise. Nous étions convaincus le président de la Commission médicale d'établissement (CME) et moi-même, qu'il fallait adopter une approche plus proactive en matière de psychiatrie à Lille. Bien que nous n'ayons pas de référentiel ou d'expérience en la matière, nous avons collaboré avec les acteurs de la ville et les professionnels de santé pour aborder dans un premier temps les situations individuelles, puis intégrer des enjeux tels que la santé mentale des enfants, des adolescents, la parentalité, ou la thématique de la prévention du suicide, en réponse aux besoins identifiés sur le terrain ».

Comment se développe le CLSM et comment fonctionne-t-il aujourd'hui ?

Marie-Christine Staniec-Wavrant : « Dès le début, l'EPSM Agglomération Lilloise a détaché un agent pour assurer la coordination, ce qui a été essentiel pour structurer le CLSM. Cela nous a permis de créer progressivement de nouveaux groupes de travail et d'impliquer divers acteurs dans la dynamique. Le rôle des élus est également crucial, car leur légitimité et leur connaissance du terrain facilitent la mobilisation des différents partenaires »

Saïda Sadki : " Le CLSM est co-présidé par la ville de Lille et l'EPSM Agglomération Lilloise, et sa gouvernance inclut les co-signataires de la convention constitutive, ainsi que des représentants du secteur sanitaire, médico-social, social et des financeurs, qui déterminent ensemble les orientations du CLSM. Actuellement, le CLSM est animé par trois professionnels, représentant 2,5 équivalents temps plein : un coordinateur à temps plein, un psychologue à temps plein détachés de l’EPSM Agglomération Lilloise, et d’un chargé de mission santé mentale.

Étant un sujet transversal, nous collaborons étroitement avec les différentes directions de la ville (petite enfance, jeunesse, culture, sport, etc.) et avec les acteurs de la psychiatrie 

Nous abordons des thématiques telles que la parentalité et l'enfance, d’abord sous le prisme de la dépression post-natale et en poursuivant par l’étude des vulnérabilités paternelles. 

Nous nous penchons également sur la santé mentale des jeunes. En plus des questions individuelles, nous travaillons sur des problématiques liées à l'habitat et à la santé mentale, souvent en lien avec des situations dites "complexes" de personnes vivant en logement, souvent en rupture de soins. 

Le CLSM sert de lien entre les acteurs de la ville et les professionnels de la psychiatrie. Chaque mois, nous organisons des échanges réunissant différents acteurs (ville, CCAS, bailleurs, CMP, associations, etc.) pour identifier collectivement des solutions aux situations nécessitant une attention particulière. 

Chaque trimestre, nous tenons un petit-déjeuner permettant à des partenaires de présenter leurs missions sur des thématiques spécifiques, ce qui favorise l'intégration de nouveaux acteurs et le développement de l'interconnaissance, facilitant ainsi la recherche de solutions à long terme, même en dehors du CLSM.

Nous avons également pour mission de coordonner un groupe de travail à l'échelle de la ville sur la programmation des Semaines d'Information sur la Santé Mentale (SISM), qui est un événement national. "

Quels sont les bénéfices d'un CLSM ? Permet-il de résoudre des situations ?

Marie-Christine Staniec-Wavrant : « Il est important de nuancer que notre contexte ne peut pas être transposé partout. 

À Lille, nous avons la chance de bénéficier de l'appui des équipes de l'EPSM, du CHU de Lille et d'un réseau d'acteurs locaux, ce qui facilite la coordination. 

Dans d'autres zones, notamment rurales, où les ressources médicales sont limitées, il est plus difficile de mobiliser des professionnels de la psychiatrie. Dans ces cas, il est essentiel de rassembler des acteurs sensibilisés à la santé mentale, comme des médecins généralistes et des psychologues.

Dans notre région, par exemple, des bénévoles de clubs sportifs ou d'associations peuvent être confrontés à des situations difficiles liées à la santé mentale et nécessitent des outils pour détecter et orienter vers les professionnels compétents.

À Lille, le CLSM a contribué à faire reconnaître la santé mentale comme un véritable enjeu de santé publique, autrefois considéré comme tabou.Les élus, initialement confrontés à cette thématique à travers le prisme des hospitalisations d'office et des troubles à l'ordre public, reconnaissent désormais que la santé mentale concerne tout le monde, quel que soit l'âge ou le statut socio-professionnel. Malgré la dégradation de la situation des hôpitaux et de la démographie médicale ces dernières années, le CLSM a permis de faire avancer la question de la santé mentale dans notre ville. Le CLSM est un espace de concertation, au sein duquel chacun peut exposer ses difficultés et collaborer à l’élaboration de solutions. C'est un rempart contre l'isolement professionnel Aujourd'hui, il est également crucial d'inclure les personnes concernées par des troubles psychiques dans notre démarche. »

Saïda Sadki : « Effectivement, nous nous efforçons d'inclure les personnes concernées dans nos groupes de travail, nos instances décisionnelles et nos actions de promotion de la santé mentale.

Plus largement, nous cherchons à sensibiliser le grand public à la santé mentale et à réduire la stigmatisation des troubles psychiques. Lors de l'édition 2024 des Semaines d'Information sur la Santé Mentale, notre collectif local a organisé plus d'une trentaine d'actions, réunissant plus de 1400 participants, y compris des membres de clubs sportifs ».

Dr Marielle Wathelet

Le Dr Marielle Wathelet, chef de projet régional santé mentale à l’ARS Hauts-de-France, fait le point sur le soutien financier et l’accompagnement proposé dans la mise en œuvre des CLSM par l’ARS pour promouvoir leur généralisation dans la région.

Pourquoi l’ARS promeut-elle le développement des CLSM dans la région ?

Marielle Wathelet : Les CLSM répondent aux trois principes directeurs qui guident notre action régionale en santé mentale : ils sont transversaux et réunissent des acteurs de différents secteurs ; ils contribuent à l’inclusion des personnes concernées dans la gouvernance et les process de décision en santé mentale ; ils participent à la territorialisation de la politique de santé mentale, pour une action publique au plus proche des besoins locaux. Ce sont d’excellents outils locaux que l’ARS souhaite consolider et généraliser car ils favorisent la lutte contre la stigmatisation, facilitent la concertation des acteurs pour agir sur l’ensemble des déterminants de la santé mentale – sociaux, environnementaux, structurels, etc. – et contribuent ainsi à des environnements favorables à la santé mentale.

Comment l’ARS soutient-elle les collectivités qui s’engagent dans la mise en œuvre des CLSM ?

Marielle Wathelet : L’Agence co-finance à hauteur de 50% les postes de coordonnateur pour permettre d’animer et de suivre la mise en œuvre des CLSM. Nous finançons également un poste de référent régional qui est à la disposition des élus et des coordonnateurs pour les accompagner au quotidien sur les dimensions techniques, juridiques et pratiques de mise en œuvre des CLSM et faciliter leur développement et leur fonctionnement. 

Au-delà de la coordination, l’ARS peut être mobilisée, comme d’autres financeurs, pour soutenir différentes actions en santé mentale qui s’inscrivent dans le cadre des CLSM. A ce titre, l’ARS a donc vocation à financer les actions des CLSM qui s’insèrent dans sa feuille de route régionale. L’agence contribue par exemple au financement des événements menés dans le cadre des semaines d’information en santé mentale, la formation des professionnels qui souhaitent devenir infirmiers en pratique avancé mention psychiatrie et santé mentale, la formation des étudiants aux premiers secours en santé mentale, etc.

Outre ce soutien financier à la coordination et à la mise en œuvre d’actions, les délégations départementales et moi-même, en tant que référente santé mentale, échangeons très régulièrement avec les CLSM pour diffuser les informations, faire remonter les problématiques, élaborer des solutions partagées aux difficultés identifiées, et travailler à la mise en cohérence des stratégies d’action locale et régionale.  Afin de renforcer le lien entre les coordonnateurs de CLSM et de les accompagner sur la méthodologie d’élaboration de leur feuille de route locale, une journée CLSM sera organisée courant juin 2025 avec le soutien de Damien Aptel, référent régional. 

Pour plus d’informations, vous pouvez contacter Marielle Wathelet ou le directeur de la délégation départementale de l’ARS.