Afin d’améliorer les connaissances sur la qualité de l’eau de consommation et protéger la santé de la population, les agences régionales de santé intègrent régulièrement la recherche de nouveaux métabolites de pesticides dans le contrôle sanitaire. Ainsi, depuis janvier 2021, l’ARS Hauts-de-France surveille la présence des deux métabolites de la chloridazone dans l’eau du robinet.
Qu’est-ce que la chloridazone ? En retrouve-t-on dans l’eau ?
La chloridazone est un pesticide (herbicide) qui a été utilisé principalement dans la culture des betteraves jusqu’en décembre 2020. L’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), chargée de l'évaluation des risques dans le domaine des denrées alimentaires, indique que la chloridazone ne présente aucun potentiel cancérigène ou mutagène pour l’Homme.
L’ARS Hauts-de-France recherche la chloridazone lors du contrôle sanitaire de l’eau du robinet depuis plus de 10 ans. Ce pesticide a été ponctuellement détecté dans tous les départements, en quantité très limitée et toujours inférieure à la limite de qualité de 0,1 microgramme par litre (μg/L).
Il n’y a jamais eu d’alerte sanitaire en Hauts-de-France sur la chloridazone dans l’eau du robinet, ni de restriction de la consommation de l’eau pour cette raison.
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Quelles ont été les raisons de l’arrêt de l’utilisation de la chloridazone ?
A notre connaissance, le producteur de la molécule a déclaré ne pas avoir déposé de demande de renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché pour des questions de rentabilité. La molécule n’est donc plus autorisée à être commercialisée ni à être utilisée depuis fin 2020.
Chloridazone desphényl et chloridazone méthyl désphényl, de quoi s’agit-il ?
En se diffusant dans notre environnement, les pesticides peuvent se transformer en une ou plusieurs autres molécules appelées "métabolites" qui peuvent rester présentes pendant plusieurs années dans l’environnement. La chloridazone desphényl et la chloridazone méthyl desphényl sont des métabolites issus de la dégradation dans le sol ou dans l’eau de la chloridazone, un pesticide utilisé principalement dans la culture des betteraves des années 1960 jusqu’à fin 2020.
Pourquoi ces métabolites sont classés « pertinents » par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ?
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a toutefois classé, en avril 2020, ces métabolites comme « pertinents » par défaut, et donc par précaution, en raison de faiblesses identifiées lors de l’examen des protocoles toxicologiques disponibles.
L’ANSES indique ainsi qu’il n’est pas possible de conclure sur les potentiels mutagènes ou génotoxiques de la chloridazone-desphényl et de la chloridazone-méthyl-desphényl. L’ANSES reprend les mêmes conclusions dans son avis de juillet 2024.
Quelle est la valeur sanitaire maximale de ces deux métabolites ?
En juillet 2024, l’ANSES a établi une valeur sanitaire maximale (Vmax, c’est-à-dire le taux de métabolite au-delà duquel l’eau ne doit plus être consommée) pour chacun des deux métabolites : 11 μg/L pour la chloridazone desphényl et 110 μg/L pour la chloridazone méthyl desphényl.
Qu’est-ce que la « limite de qualité » (0,1 μg/L) ?
La « limite de qualité » (0,1 μg/L pour les métabolites) est uniquement une valeur environnementale (et non une valeur sanitaire) établie au niveau européen. Comme son nom l’indique, cette « limite de qualité » a pour objectif de réduire la présence de ces résidus de pesticides au plus bas niveau de concentration dans l’eau.
Une eau contenant des teneurs en métabolites supérieures à 0,1 μg/L est qualifiée de « non conforme » au regard de cette valeur environnementale, mais elle n’est pas forcément impropre à la consommation. La consommabilité de l’eau est établie au regard d’une autre valeur, fixée par l’ANSES : la valeur sanitaire maximale (Vmax).
Quelle est la situation dans les Hauts-de-France ?
Depuis juillet 2024, la valeur sanitaire maximale (Vmax, c’est-à-dire le taux de métabolite au-delà duquel l’eau ne doit plus être consommée) est fixée par l’ANSES à 11 μg/L pour la chloridazone desphényl et 110 μg/L pour la chloridazone méthyl desphényl.
L’eau du robinet distribuée dans la région présente un taux de métabolites du pesticide chloridazone inférieur aux valeurs sanitaires maximales. Il n’y a donc aucune restriction de la consommation d’eau liée à ce paramètre.
Quand l’ARS Hauts-de-France a-t-elle commencé à rechercher ces métabolites de pesticide dans l’eau du robinet ?
Chaque année, l’ARS Hauts-de-France réalise plus de 22 000 prélèvements et analyses d’eau de consommation, sur plus de 6 000 points de surveillance répartis dans toute la région.
512 substances ou paramètres (pH, turbidité…) sont désormais recherchées lors de ces contrôles, faisant ainsi de l’eau du robinet l’aliment le plus contrôlé L’Union Européenne et le Ministère de la santé ont demandé aux ARS fin 2020 de rechercher de nouvelles substances, parmi lesquelles les métabolites de pesticides pertinents.
Avec un objectif clair : renforcer, encore et toujours, les connaissances permettant de garantir la qualité et la sécurité de l’eau que nous consommons. Dès janvier 2021, l’ARS Hauts de France a intégré ces deux métabolites dans la liste des substances recherchées dans l’eau du robinet.
Quelles étaient les règles de gestion avant l’établissement de la valeur sanitaire maximale (2024) ?
Lorsque l’ARS a engagé les premières analyses début 2021, l’ANSES n’avait pas encore établi de Vmax concernant les métabolites de la chloridazone.
Autrement dit, le taux de métabolites à partir duquel des mesures de gestion devaient être engagées (par exemple une restriction de la consommation de l’eau) n’était pas encore déterminé au niveau national.
Dès ces premières analyses, l’ARS a alors sollicité (février 2021) le ministère de la santé afin que l’ANSES puisse se pencher sur l’établissement d’une Vmax.
Pour autant, l’ARS n’a pas attendu la détermination de Vmax au niveau national pour agir :
- Dès le 1er trimestre 2021, l’ARS a mis en place un recontrôle systématique en cas de dépassement de la valeur environnementale de 0,1 µg/L et surtout un programme de surveillance avec contrôle tous les 3 mois des unités de distribution (secteurs du territoire desservis par la même eau) concernées. L’objectif était d’engranger des données sur la présence de ces molécules nouvellement recherchées et de suivre l’évolution des concentrations pour différents contextes climatiques (basses eaux/hautes eaux).
- Dès juin 2021, l’ARS a proposé aux préfectures d’informer les entités responsables de la distribution et de la qualité de l’eau (selon les cas la commune, le groupement de communes, le délégataire de service public) dès que des dépassements en métabolites étaient détectés, et de les aider dans leur communication à la population en leur fournissant au besoin une note d’information.
- En juin 2022, le ministère de la santé a fixé par précaution une « valeur sanitaire transitoire » à 3 μg/L. L’ARS et les préfectures ont immédiatement adapté leur stratégie de gestion à cette nouvelle norme.
- Depuis juillet 2024, des Vmax déterminées par l’ANSES sont désormais disponibles pour les métabolites de la chloridazone : 11 μg/L pour la chloridazone desphényl et 110 μg/L pour la chloridazone méthyl desphényl.
L’eau distribuée actuellement dans la région présente des concentrations inférieures à ces Vmax. Il n’y a donc pas de restriction d’eau du robinet pour ces paramètres à l’heure actuelle.
Est-ce que les traitements individuels habituels (adoucisseur, filtres, carafe, etc.) permettent d’éliminer les métabolites dans l’eau ?
Non. De manière générale, filtrer l’eau du robinet (par un filtre sous évier ou une carafe/bouteille filtrante) ne présente aucun intérêt sauf à vouloir éliminer le chlore et à supprimer un éventuel mauvais goût de l’eau.
Concernant les adoucisseurs, ils permettent de réduire le calcaire dans l’eau mais retiennent également des minéraux utiles à notre corps comme le calcium et le magnésium. Il est donc conseillé de ne pas filtrer l’eau de boisson.
Est-ce que bouillir l’eau réduit la présence de métabolites de la chloridazone ?
En l’état actuel des connaissances, faire bouillir l’eau ne réduit pas la présence des métabolites de la chloridazone.
Comment serais-je informé si l’eau ne peut plus être consommée ?
Le responsable de la distribution d’eau doit informer dans les meilleurs délais l’ensemble des abonnés que l’eau ne peut plus être consommée, jusqu’au rétablissement de sa qualité. Il doit aussi les informer de la solution d’approvisionnement en eau potable mise en place (par exemple la distribution de bouteilles d’eau) en attendant de pouvoir de nouveau consommer l’eau du robinet.
Cette information doit arriver à chaque abonné, différents moyens d’information pouvant être utilisés : bulletin municipal, sms, affichage, porte à porte, flyers, site internet, presse, radio, appel téléphonique, etc.
En cas de restrictions de consommation de l’eau du robinet du fait de la présence d’un pesticide ou métabolite, ces restrictions concerneraient-elles tous les habitants de la commune ou uniquement les personnes fragiles ?
Les restrictions de consommation liées à un pesticide ou métabolite sont valables pour tous les habitants de la commune concernée, quels que soient leur âge ou leur état de santé.
Comment m’informer sur la qualité de l’eau du robinet vis-à-vis des pesticides et des métabolites de pesticides ?
Les données sur la qualité de l’eau du robinet sont publiques. Elles sont disponibles :
- sur le site internet du ministère chargé de la Santé, où les résultats du contrôle sanitaire mis en œuvre par les ARS sont accessibles commune par commune et sont régulièrement actualisés ;
- en open data, pour les résultats du contrôle sanitaire réalisé sur l’ensemble des réseaux d’eau publics, depuis 2016 sur toutes les installations (captages…) et sur l'eau distribuée commune par commune.
- en mairie, où sont affichés les derniers résultats d’analyse de l’eau du robinet, transmis par l’ARS ;
- auprès du responsable de la production et de la distribution d’eau ;
- avec la facture d’eau, à laquelle est jointe annuellement une note de synthèse élaborée par l’ARS sur la qualité de l’eau, pour les abonnés au service des eaux.