Métabolites de pesticides : L’eau du robinet mise par précaution sous surveillance renforcée dans 105 communes des Hauts-de-France

Communiqué de presse

Communiqué de presse cosigné avec le Préfet de la région Hauts-de-France

Afin d’améliorer les connaissances sur la qualité de l’eau de consommation, les agences régionales de santé ont intégré la recherche de nouveaux métabolites de pesticides dans le contrôle sanitaire. En application d’une instruction du ministère de la santé, et du principe de précaution, l’eau du robinet délivrée dans 105 communes de la région est mise sous surveillance renforcée, avant d’éventuelles mesures de restriction de consommation.

Chaque année, l’ARS Hauts-de-France réalise plus de 22 000 prélèvements et analyses d’eau de consommation, sur plus de 6 000 points de surveillance répartis dans toute la région. Plus de 500 substances sont recherchées lors de ces contrôles, faisant ainsi de l’eau du robinet l’aliment le plus contrôlé. Parmi les substances recherchées figurent les pesticides et les molécules issues de leur dégradation ou de leur transformation dans les sols au fil du temps. Ces molécules appelées « métabolites de pesticides » peuvent encore se retrouver dans des nappes phréatiques, puis dans l’eau du robinet, même si le pesticide n’est plus utilisé.

Les métabolites de la chloridazone : deux substances récemment recherchées lors de l’analyse de l’eau du robinet

L’ARS Hauts-de-France a intégré dès janvier 2021, comme le prévoit la réglementation européenne, la recherche des métabolites de la chloridazone (un pesticide principalement utilisé pour la culture de la betterave) dans le contrôle sanitaire de l’eau : la chloridazone desphényl et de la  chloridazone-méthyl-desphényl.

L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail  (ANSES) a classé ces métabolites comme pertinents « par défaut » en raison de faiblesses identifiées lors de son examen des protocoles toxicologiques disponibles, mais n’a pas établi de « valeur sanitaire maximale » (Vmax), c’est-à-dire le taux de métabolites au-delà duquel l’eau ne peut plus être consommée. En 2007, l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a par ailleurs écarté un risque pour la santé humaine associé à ces deux métabolites. L’intégration de ces deux molécules au contrôle sanitaire de l’eau répond donc à l’application du principe de précaution.

Les premières analyses réalisées en Hauts-de-France  dès janvier 2021 visaient à faire un état des lieux de la présence de ces métabolites dans la région. L’ARS a dès les premiers taux observés sollicité le ministère de la santé afin que l’ANSES puisse travailler à l’établissement d’une valeur maximale.

Une valeur sanitaire transitoire de 3µg/L qui répond au principe de précaution

Afin de gérer les situations locales dans l’attente d’une valeur maximale déterminée par l’ANSES, une instruction du ministère de la santé publiée le 15 juin 2022 a déterminé une valeur sanitaire transitoire de 3µg/L d’eau. C’est donc cette valeur qui s’applique pour la mise en place de mesures de restriction de consommation de l’eau.

L’eau du robinet d’ores et déjà mise sous surveillance renforcée dans 45 communes de la région

L’ARS et les préfectures de département ont immédiatement adapté leur stratégie de gestion à cette nouvelle valeur. En raison de l’instabilité des données préalablement observées, avec des résultats parfois supérieurs puis inférieurs à la valeur sanitaire transitoire, les préfectures de département et l’ARS ont décidé une phase de surveillance renforcée dans les 45 communes (39 dans l’Aisne, 4 dans l’Oise, 2 dans la Somme) pour un total d’environ 13 500 habitants. où les valeurs constatées étaient supérieures à 3µg/L. Les entités responsables de la qualité de l’eau ont été informées de la situation en juillet dernier.

Ainsi, dans ces communes, l’ARS Hauts-de-France a mis en place des analyses au robinet du consommateur, tous les 15 jours jusqu’à la fin septembre, et a invité les entités responsables de la qualité de l’eau à rechercher des solutions permettant d’abaisser le taux de métabolites. Au terme de cette période de surveillance, l’ARS recommandera selon les résultats aux préfectures des restrictions de la consommation de l’eau du robinet à des fins alimentaires pour les communes dont la valeur moyenne dépassera 3 µg/L.

Plusieurs de ces communes ont pu étudier ou envisager ces dernières semaines des solutions visant par exemple à recourir à un autre captage ou à diluer la ressource actuelle via une interconnexion, afin de distribuer une eau présentant un taux de métabolites inférieur à 3 µg/L.

Une mise sous surveillance renforcée programmée dans 60 communes de la région à compter de l’automne

Les premiers prélèvements réalisés courant 2021 et 2022 ont également mis en évidence des teneurs moyennes en métabolites comprises entre 2 et 3 µg/L dans 60 communes (40 dans l’Aisne, 12 dans l’Oise, 4 dans la Somme, 4 dans le Pas-de-Calais, 0 dans le Nord) regroupant au total environ 45 000 habitants. Toujours par précaution et compte tenu des variations et des marges d’incertitude sur les résultats, le même dispositif de surveillance renforcée sera mis en place dans ces communes à compter de l’automne (en lien avec les capacités de prélèvement et d’analyses des laboratoires) afin de s’assurer que les taux moyens ne sont pas, sur la durée, supérieurs à 3 µg/L. Des restrictions de consommation pourront également, le cas échéant, être décidées uniquement dans les communes où le taux moyen en métabolites basculerait au-delà de 3 µg/L.

Les entités responsables de la qualité de l’eau en ont été informées par courrier, en juillet ou août suivant le département, par les préfets.

Environ 2 200 communes concernées par des taux compris entre 0,1 et 2 µg/L

La valeur de 0,1 µg/L, dite « limite de qualité » est une valeur environnementale (et non une valeur sanitaire) établie au niveau européen. Une eau contenant des teneurs en métabolites supérieures à 0,1 µg/L est donc qualifié de « non conforme » au regard de cette valeur environnementale, mais elle n’est pas forcément  impropre à la consommation.

De l’ordre de 2 200 communes (env. 450 dans l’Aisne, env. 410 dans l’Oise, env. 470 dans la Somme, env. 600 dans le Pas-de-Calais, env. 260 dans le Nord, données en cours de consolidation), regroupant approximativement un total de 3,8 millions d’habitants, distribuent une eau dont la teneur en métabolites est comprise entre 0,1 µg/L et 2 µg/L.

L’eau pourra donc continuer à être consommée dans ces communes. Afin de respecter l’objectif environnemental de 0,1 µg/L, qui vise à réduire la présence de ces résidus de pesticides au plus bas niveau, les responsables de la qualité de l’eau devront travailler à la mise en place de mesures curatives dans les 3 ans.

Les préfectures, l’ARS et les Agence de l’eau en appui des collectivités concernées

Les collectivités des territoires concernés par la présence des métabolites de chloridazone dans l’eau du robinet ont été informées de la situation dès les premiers contrôles. L’ARS, en lien avec les préfets de département, a également rappelé aux gestionnaires de la distribution et de la qualité de l’eau, leur obligation en matière d’information de la population en cas de dépassement de la norme de qualité.

La chloridazone n’étant plus utilisée, seule une solution « curative » peut permettre de réduire la présence de ses métabolites dans l’eau : interconnexion avec des captages d’eau présentant peu ou pas de métabolites ou mise en place de traitements de type charbons actifs.

Un accompagnement étroit des collectivités concernées est assuré par les préfectures, l’ARS et les agences de l’eau afin de les aider dans la détermination des solutions techniques, leur financement et l’information de la population.

Métabolites de pesticides dans l’eau du robinet 5 points essentiels pour comprendre

La chloridazone
La chloridazone est un pesticide qui a été utilisé principalement dans la culture des betteraves
jusqu’en décembre 2020. L’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), chargée de
l'évaluation des risques dans le domaine des denrées alimentaires, indique que la chloridazone ne
présente aucun potentiel cancérigène ou mutagène pour l’Homme. La « valeur sanitaire maximale »
(Vmax) de la chloridazone, établie sur la base de la méthodologie proposée par l’ANSES en 2019
pour les pesticides, est de 222 µg/L.
L’ARS Hauts-de-France recherche la chloridazone lors du contrôle sanitaire de l’eau du robinet depuis
10 ans. Ce pesticide a été ponctuellement détecté dans tous les départements, en quantité très
limitée et toujours inférieure à 0,1 microgramme par litre (µg/L). Il n’y a jamais eu d’alerte sanitaire en
HDF sur la chloridazone dans l’eau du robinet, ni de restriction de la consommation de l’eau pour cette
raison.

L’application du principe de précaution concernant les métabolites de la chloridazone
En 2007, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a écarté un risque pour la santé
humaine associé à ces deux métabolites, compte tenu du fait que la molécule-mère ne présente
aucun potentiel cancérigène ou mutagène. Plus précisément, l’EFSA indique que la desphénylchloridazone et la méthyl desphény – chloridazone sont d'une toxicité comparable ou inférieure à celle
de la chloridazone et que la chloridazone ne présente aucun potentiel cancérigène ou mutagène.
En avril 2020, l’ANSES a classé les métabolites de la chloridazone comme pertinents, non pas parce
qu’un risque pour la santé a été établi mais « par défaut » en raison de faiblesses identifiées dans les
protocoles toxicologiques disponibles. L’ANSES indique ainsi qu’il n’est pas possible de conclure sur
les potentiels mutagènes ou génotoxiques de la chloridazone-desphényl et de la chloridazone-méthyldesphényl.

La différence entre une « limite de qualité » et une « valeur sanitaire maximale »
La « limite de qualité » (0,1 µg/L pour les métabolites) est uniquement une valeur environnementale
(et non d’une valeur sanitaire) établie au niveau européen. Comme son nom l’indique, cette « limite de
qualité » a pour objectif de réduire la présence de ces résidus de pesticides au plus bas niveau de
concentration dans l’eau. Une eau contenant des teneurs en métabolites supérieures à 0,1 µg/L est
donc qualifié de « non conforme » au regard de cette valeur environnementale, mais elle n’est pas
forcément impropre à la consommation.
La consommabilité de l’eau est établie au regard d’une autre valeur, fixée par l’ANSES : la valeur
sanitaire maximale (Vmax). Cette Vmax n’existe pas encore pour les métabolites de chloridazone. 

La valeur de gestion provisoire (44 µg/L) utilisée en HdF jusqu’en juin 2022
Lorsque l’ARS a engagé les premières analyses début 2021, l’ANSES n’avait pas encore établi de Vmax concernant les métabolites de chloridazone. Autrement dit, le taux de métabolites à partir duquel des mesures de gestion doivent être engagées (par exemple une restriction de la consommation de l’eau) n’était pas encore déterminé au niveau national. Pour autant, l’ARS HDF n’a pas attendu la détermination de cette valeur nationale et a construit à partir de mai 2021 une première stratégie de gestion à partir d’une valeur provisoire qu’elle a établie à 44 µg/L. Cette valeur a été décidée selon une méthode antérieurement proposée par le ministère (Direction générale de la santé). Elle est calculée en référence à la Vmax établie par l’ANSES concernant la chloridazone, pour être cinq fois plus protectrice que celle-ci : des mesures de gestion doivent être engagées à partir de 222 µg/L de chloridazone retrouvées dans l’eau, et seulement à partir de 44 µg/L pour ses métabolites.

La valeur sanitaire transitoire (3 µg/L)
En juin 2022, dans l’attente d’une Vmax en cours d’établissement par l’ANSES, le ministère de la santé a fixé une « valeur sanitaire transitoire » à 3 μg/L. Elle ne s’apparente, ni dans sa construction, ni dans les ordres de grandeur habituellement rencontrés à une VMAX. Elle est proposée aux ARS pour les aider à la gestion de situations locales.

Cette valeur correspond à celle établie par l’UBA (Umweltbundesamt, agence fédérale pour l'environnement) en Allemagne. Il est important de préciser qu’outre Rhin, contrairement à la France, ces métabolites ne sont pas qualifiés comme « pertinents » : en Allemagne le dépassement de cette valeur de 3 μg/L n’entraîne pas de restriction de consommation de l’eau mais uniquement des actions de surveillance et de réduction des apports en pesticides. De fait, l’utilisation de cette même valeur en France constitue une approche très protectrice d’application du principe de précaution pour les consommateurs.