Métabolites de chloridazone : restrictions de consommation de l’eau dans plusieurs communes

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Verre d'eau rempli depuis un robinet
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Afin d’améliorer les connaissances sur la qualité de l’eau de consommation, les agences régionales de santé ont intégré la recherche de nouveaux métabolites de pesticides dans le contrôle sanitaire. En application d’une instruction du ministère de la santé, et du principe de précaution, plusieurs communes de la région font l’objet de mesures de restriction de la consommation de l’eau du robinet.

Chaque année, l’ARS Hauts-de-France réalise plus de 22 000 prélèvements et analyses d’eau de consommation, sur plus de 6 000 points de surveillance répartis dans toute la région. Plus de 500 substances sont recherchées lors de ces contrôles, faisant ainsi de l’eau du robinet l’aliment le plus contrôlé. Parmi les substances recherchées figurent les pesticides et les molécules issues de leur dégradation ou de leur transformation dans les sols au fil du temps. Ces molécules appelées « métabolites de pesticides » peuvent encore se retrouver dans des nappes phréatiques, puis dans l’eau du robinet, même si le pesticide n’est plus utilisé.

L’ARS Hauts-de-France a identifié en plusieurs points de la région la présence de chloridazone desphényl et de chloridazone-méthyl-desphényl, les métabolites de la chloridazone (un pesticide principalement utilisé pour la culture de la betterave).

Afin de gérer les situations locales dans l’attente d’une valeur maximale déterminée par l’ANSES, une instruction du ministère de la santé publiée le 15 juin 2022 a déterminé une valeur sanitaire transitoire de 3µg/L d’eauà partir de laquelle des restrictions de consommation doivent être prononcée.

En raison de l’instabilité des données préalablement observées, avec des résultats parfois supérieurs puis inférieurs à la valeur sanitaire transitoire, des contrôles renforcés tous les 15 jours ont été mises en place dans les 105 communes des Hauts-de-France où les valeurs constatées étaient supérieures à 2µg/L.

Des restrictions de consommation en vigueur

Cette surveillance renforcée a permis de confirmer le dépassement de la valeur de 3µg/L dans une dizaine de communes. Des solutions techniques ont pu progressivement être trouvées localement par les gestionnaires pour faire baisser la teneur en métabolites, comme l’interconnexion à un autre réseau ou la dilution de l’eau issue du captage par une eau d’un autre réseau de distribution. Ces solutions ont permis dans la plupart des cas à retour à des valeurs inférieurs à la valeur sanitaire transitoire, permettant ainsi la levée des restrictions de consommation.

Des restrictions restent en vigueur dans 3 communes :

  • Le Thuel (Aisne)
  • Merlieux-et-Fouquerolles (Aisne)
  • Vaudesson (Aisne)

En application des consignes du Ministère de la santé, et jusqu’à nouvel ordre, il est donc recommandé dans ces communes de ne plus boire l’eau du robinet, de ne plus l’utiliser pour préparer les repas et les boissons (cuisson des pâtes, soupes, thé/café etc.) et de ne plus l’utiliser pour le lavage des dents.

L’eau du robinet peut continuer à être utilisée pour faire la toilette, laver la vaisselle (y compris les biberons), le linge, les sols, laver les légumes et les arroser, alimenter les WC, etc.

Le responsable de la distribution proposera en substitution un dispositif d’approvisionnement des habitants en eau potable et devra les informer de toute évolution de la situation.

L’ARS rappelle que les captages d’eau privés ne sont pas ou peu contrôlés. La qualité de l’eau n’y est pas connue et peut être dangereuse pour la santé. Il est donc fortement déconseillé de la boire, de l’utiliser pour préparer les repas et boissons, ou pour se laver les dents.  

La restriction de consommation pourra être levée dans trois situations :

  • Si les contrôles fréquents réalisés par l’Agence régionale de santé montrent que le taux de métabolites diminue naturellement et qu’il passe sous la limite de 3 microgrammes de métabolite par litre. Cela peut être le cas dans les communes qui sont aujourd’hui juste au-dessus de cette valeur limite ;
  • Soit parce que la commune a pu mettre en place une solution technique permettant de descendre sous la limite de 3 microgrammes de métabolites par litre ;
  • Soit parce que les connaissances scientifiques sur les métabolites progressent entraînant une évolution de la réglementation relative à la gestion leurs dépassements.

Des restrictions de consommation prises par précaution

En 2007, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a écarté un risque pour la santé humaine associé à ces deux métabolites, compte tenu du fait que la molécule-mère (la chloridazone) ne présente aucun potentiel cancérigène ou mutagène. Plus précisément, l’EFSA indique que la chloridazone-desphényl et la chloridazone-méthyl-desphényl sont d'une toxicité comparable ou inférieure à celle de la chloridazone  (déjà dit au-dessus)

En avril 2020, l’ANSES a classé les métabolites de la chloridazone comme pertinents, non pas parce qu’un risque pour la santé a été établi mais « par défaut », en raison de faiblesses identifiées dans les protocoles toxicologiques disponibles alors. L’ANSES indique ainsi qu’il n’est pas possible de conclure sur les potentiels mutagènes ou génotoxiques de la chloridazone-desphényl et de la chloridazone-méthyl-desphényl.

Les restrictions de consommation de l‘eau du robinet qui contiennent des métabolites de la chloridazone sont donc prises par précaution.

Environ 2 300 communes concernées par des taux supérieurs à 0,1 µg/L

La valeur de 0,1 µg/L, dite « limite de qualité » est une valeur environnementale (et non une valeur sanitaire) établie au niveau européen. Une eau contenant des teneurs en métabolites supérieures à 0,1 µg/L est donc qualifié de « non conforme » au regard de cette valeur environnementale, mais elle n’est pas forcément  impropre à la consommation.

De l’ordre de 230 communes (env. 520 dans l’Aisne, env. 420 dans l’Oise, env. 470 dans la Somme, env. 600 dans le Pas-de-Calais, env. 260 dans le Nord, données en cours de consolidation), regroupant approximativement un total de 3,8 millions d’habitants, distribuent une eau dont la teneur en métabolites est comprise entre 0,1 µg/L et 2 µg/L.

L’eau peut donc continuer à être consommée dans ces communes. Afin de respecter l’objectif environnemental de 0,1 µg/L, qui vise à réduire la présence de ces résidus de pesticides au plus bas niveau, les responsables de la qualité de l’eau devront travailler à la mise en place de mesures curatives dans les 3 ans.